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Les victimes par ricochet en France : un regard sur l'impact indirect des événements traumatiques

Accident de la route, accident domestique, acte criminel... Les tragédies et les événements traumatiques ont des conséquences bien au-delà de leurs victimes directes.

En France, comme partout dans le monde, un groupe souvent négligé de personnes est touché de manière indirecte : les victimes par ricochet.


Ces individus, souvent les proches, les amis et même les communautés entières, subissent des traumatismes émotionnels et des changements profonds dans leur vie en raison des événements tragiques qui se produisent autour d'eux.


Cet article explore le phénomène des victimes par ricochet en France et met en lumière les défis auxquels elles sont confrontées.


Qu'est-ce qu'une victime par ricochet ?


Les victimes par ricochet se réfèrent à ceux qui ne sont pas directement touchés par un événement traumatique, mais qui en subissent néanmoins les conséquences sur le plan émotionnel, psychologique, social et même économique.


En France, cela concerne les proches de la victime directe : conjoint, enfants, parents, et autres membres de la famille avec qui il existe une communauté de vie et/ou un lien d’affection.

Le droit français reconnaît la possibilité pour ces victimes par ricochet de demander une indemnisation pour les dommages qu'elles ont subis.

L’évolution de la reconnaissance et de la réparation du préjudice par ricochet a été influencée par la jurisprudence et la législation.


La reconnaissance progressive des victimes par ricochet


Historiquement, la jurisprudence française a été plutôt restrictive en ce qui concerne la reconnaissance du préjudice par ricochet.


La Cour de cassation a posé les limites de l’indemnisation des victimes indirectes dans un arrêt du 27 février 1970 en exigeant la preuve d’un préjudice personnel, direct, certain et licite ; la Cour de cassation exige parfois une communauté de vie pour certains postes de préjudice (Civ. 2, 21 novembre 2013, n° 12-28.168).

Ceci dit, l’évolution des régimes de responsabilité a permis d’élargir les possibilités d’indemnisation des proches.

Par exemple, dans un arrêt du 10 février 2000, elle a affirmé que les préjudices résultant d'une infraction peuvent affecter les proches de la victime directe.


De même, la jurisprudence a progressivement reconnu les mêmes droits au concubin qu’au conjoint.


En effet, à l’heure actuelle, le principe d’indemnisation n’est pas conditionné à l’existence d’un mariage ou d’un PACS, mais repose sur la démonstration d’une communauté de vie et d’affection avec la victime décédée.

Dans cette logique, le niveau d’indemnisation des proches est gradué en fonction de la proximité avec la victime : plus la communauté de vie est forte, plus l’indemnisation sera élevée.


Ainsi, la jurisprudence présuppose l’existence d’un lien d’affection à l’égard de certains proches de la victime : les parents, les enfants, frères et sœurs vivant dans le même foyer et évidemment, le conjoint ou le concubin.


Néanmoins, pour parvenir à une indemnisation in concreto, il faudra justifier constituer un dossier de preuves témoignant de l’intensité des liens avec la victime décédée.


À l’inverse, pour les autres membres de la famille (frères et sœurs ne vivant plus dans le même foyer, neveux et nièces, oncles et tantes, cousins et cousines…), le lien familial ne suffit pas à démontrer l’existence d’un préjudice par ricochet. Il incombe alors au demandeur de justifier de l’existence d’un lien particulier avec la victime décédée pour prétendre à une indemnisation.


Les préjudices indemnisables


Les préjudices par ricochet peuvent être causés par différents types d'événements, tels que des accidents, des actes criminels, ou d'autres situations préjudiciables.

En tout état de cause, le préjudice de la victime par ricochet sera indemnisé in concreto, conformément au principe de réparation intégrale qui gouverne le droit indemnitaire français : on indemnise tout le préjudice, rien que le préjudice.


Voici quelques exemples de préjudices indemnisables :


Le préjudice d’affection


Les proches d'une victime directe peuvent subir un préjudice moral important en raison du traumatisme subi par leur être cher ou de sa disparition. Cela peut inclure la douleur, la souffrance morale, le chagrin, et d'autres émotions difficiles.


En cas de décès de la victime directe, les proches subissent un préjudice moral important lié à la perte de l’être aimé.  Il s’agit d’allouer une indemnité en compensation de cette peine.


Lorsque la victime directe est blessée, les proches peuvent présenter un préjudice moral particulier lié à la vision de la déchéance de la victime et des souffrances endurées en raison de l’épisode traumatique. Il s’agit donc d’indemniser de manière autonome cette douleur ressentie par les proches.



Le préjudice d'accompagnement


Ce préjudice ne doit pas être confondu avec le préjudice d’affection.


La jurisprudence de la Cour de cassation considère qu’il s’agit d’un préjudice distinct du préjudice d’affection, qu’il convient d’indemniser de manière autonome (Ccass, Civ 2ème, 7 avril 2001, n°10-19.423).


S’il est également d’ordre moral, le préjudice d’accompagnement se distingue du préjudice d’affection par sa nature, et par la période qu’il appréhende.


Ce préjudice a précisément pour but d’indemniser les « bouleversements et troubles dans les conditions d’existence d’un proche, qui partageait habituellement une communauté de vie effective et affective avec la personne ».


Il se rencontre spécifiquement en fin de vie, pour indemniser les bouleversements rencontrés par les proches de la victime pendant la maladie traumatique jusqu’à son décès.


Il existe également pour indemniser les troubles dans les conditions d’existence subi par les proches de la victime directe du fait du handicap de cette dernière.


En tout état de cause, l’indemnisation de ce préjudice n’est possible que pour le proche justifiant d’une communauté de vie affective et effective antérieure avec la victime directe.


La Cour de cassation l’a rappelé récemment en refusant d’indemniser le préjudice d’accompagnement de la belle-sœur et des nièces qui entretenaient pourtant des liens étroits avec la victime (Civ. 2, 21 novembre 2013, n° 12-28.168).


Compte tenu de sa nature, l’évaluation de ce préjudice est nécessairement très personnalisée.



Le préjudice sexuel par ricochet

L’évènement traumatique peut également venir impacter la vie sexuelle du couple (par exemple, lorsque l’accident a entrainé chez la victime directe une incapacité à procréer ou une incapacité à réaliser l’acte sexuel).

En ce cas, on parle de préjudice sexuel par ricochet pour le conjoint.

Le préjudice sexuel par ricochet se définit ainsi « par miroir » avec le préjudice sexuel présenté par la victime directe.



Le préjudice économique

Les victimes par ricochet peuvent également subir un préjudice d’ordre économique, du fait de l’événement traumatique.

Il peut s’agir de frais divers, mais cela renvoie surtout à la perte de revenus du conjoint survivant et de l’éventuelle « perte en industrie ».


Les frais divers

Cela concerne les frais temporaires de déplacement ou d’hébergement pour visiter la victime blessée, les frais d’obsèques, ou tout autre dépense en lien avec le traumatisme subi par le proche (appréciation in concreto).


La perte de revenus par ricochet

Ce préjudice concerne le conjoint survivant, les enfants mineurs de la victime décédée, ou de toute autre personne dépendant financièrement de cette dernière.


Le processus d’évaluation de ce préjudice consiste à rechercher la perte annuelle pour les survivants, à la répartir entre eux en fonction de la durée pendant laquelle ils pouvaient normalement y prétendre.


La perte en industrie

L’expression « en industrie » renvoie aux tâches que réalisait habituellement la victime directe au sein du foyer : bricolage, garde d’enfants, etc.


Le décès de la victime directe, ou la diminution de ses capacités physiques, entraine ainsi la disparition de sa participation active aux activités du foyer, que le conjoint survivant remplace bien souvent par une prestation extérieure payante.


Il en résulte une « perte en industrie » puisque la prestation qui était avant l’accident gratuite pour le foyer devient, du fait de l’évènement traumatique, une dépense.


La Cour de cassation considère que cette « perte en industrie » ne s’analyse pas juridiquement comme une perte de revenus stricto sensu et ne doit donc pas apparaitre dans le calcul de ce poste (Civ. 2, 7 avril 2011, n° 10-15.918).


En revanche, le préjudice de « perte en industrie » pourra être indemnisé, de manière autonome, sous certaines conditions de preuve, au cas par cas (Cour d’appel d’Aix en Provence, Chambre 1-6, 9/03/2023, n°22/05002 ; Cour d’appel de Grenoble, 2ème chambre, 19/09/2023, n°21/04736).



Les évènements traumatiques peuvent avoir un impact significatif sur les proches, que ce soit sur le plan émotionnel et psychologique ou encore économique.

La traduction de ces divers préjudices sur le plan juridique est complexe.

Rappelez-vous que chaque cas est unique, et les conseils d'un avocat exerçant en réparation du préjudice corporel, seront essentiels pour comprendre pleinement vos droits et recours et vous orienter correctement.

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